Des Étoiles et des Femmes est un programme d’insertion par la cuisine, dans lequel des stagiaires-cuisinières des quartiers prioritaires se forment durant 9 mois à la CFA Cuisine de Blagnac et auprès des chefs de grands restaurants toulousains. Le point avec Alice Pavillet, la coordinatrice du programme chez Sororitère, l’association née de la Scop Égalitère qui a été choisie en 2022 par Première Brique pour porter ce projet.

Partenariat rémunéré par Première Brique

Ce matin au restaurant L’Assemblée Gourmande (dit L’A/G), sur fond de musique rap, l’équipe se prépare en salle et en cuisine pour leur habituel service du midi. Pour l’instant, la cheffe Agathe Felut n’est pas encore derrière les fourneaux, mais au téléphone et derrière son ordinateur en train de vérifier les dernières commandes pour sa carte de produits frais et de plats faits maison. En cuisine, Joyce Faye, 39 ans, calot bien ajusté sur la tête et tablier, lave la salade et prépare les sauces du jour. La stagiaire-cuisinière du programme Des Étoiles et des Femmes semble dans son élément dans cette cuisine professionnelle de grand restaurant. « Joyce assure, annonce la cheffe sans l’ombre d’une hésitation. Mais elle apprend tout autant de nous que l’on apprend d’elle, notamment sur les épices et ses plats traditionnels. C’est très enrichissant pour tout le monde. » « La cheffe me fait confiance, l’équipe aussi », apprécie la stagiaire-cuisinière qui arbore fièrement sa tenue de cuisine noire au logo du programme des Étoiles et des Femmes, tout en listant les plats préparés par elle validés par la cheffe de L’A/G : sauce tartare maison, jambonnette de volaille farcie aux petits légumes, couscous aux épices, pâte à chou, tarte aux fraises… 

« Ce programme, c’est un espoir, un vrai nouveau départ pour moi qui vient d’arriver en France et toutes les autres femmes » Joyce Faye, stagiaire-cuisinière

Après 9 mois de formation entre la Cité des Formations et des Apprentissages (CFA) Cuisine de Blagnac et le restaurant L’Assemblée Gourmande, Joyce Faye devrait décrocher son CAP en juin sans problème. « Ce programme, c’est un espoir, un vrai nouveau départ pour moi qui vient d’arriver en France et toutes les autres femmes, explique la stagiaire venue de Tunisie. Côté formation, c’est le top ! On a des cours de techniques de cuisine bien sûr, mais aussi de français et d’anglais, de physique et de chimie… et on apprend aussi l’histoire de France. Retournée à l’école après tout ce temps et avec un enfant de 5 ans n’a pas été facile c’est sûr, mais je suis reconnaissante et consciente de la chance que j’ai eue avec cette opportunité qui me permet de m’intégrer et d’avoir un métier. » 

Des chefs toulousains engagés

Le programme Des Étoiles et des Femmes est né à Marseille il y a dix ans à l’initiative du chef cuisinier multi-étoilé Alain Ducasse. Entre excellence de la gastronomie et insertion professionnelle, le programme rend possible et accessible cette formation diplômante aux femmes des quartiers prioritaires de la ville de Toulouse. Alice Pavillet, la coordinatrice Des Étoiles et des Femmes à l’association Sororitère, relate l’historique du projet : « Alain Ducasse a souhaité permettre à des femmes éloignées de l’emploi de se projeter dans une formation qualifiante afin de pouvoir travailler auprès de la restauration gastronomique marseillaise à l’époque. Et face aux résultats très positifs de cette démarche, le programme s’est étendu dans les grandes villes de France. » 

Prête désormais à se remettre en cuisine, la cheffe de L’A/G Agathe Felut s’inscrit totalement dans la démarche : « Si on a voulu prendre part au programme, c’est parce qu’on a des valeurs éco-responsables, et pas que dans l’assiette en ne travaillant que des produits frais et locaux, mais aussi en prenant en formation dans notre restaurant ces femmes en insertion. Pour nous, c’est cohérent. » La coordinatrice toulousaine du programme le confirme également : « Nous travaillons avec une communauté de près de 16 chefs restaurateurs et restauratrices de Toulouse qui sont engagés socialement, sélectionnés à la fois pour l’excellence de leur cuisine et à la fois sur des critères environnementaux et sociaux. » Concrètement, le programme Des Étoiles et des Femmes consiste à identifier des femmes éloignées de l’emploi et passionnées de cuisine pour qu’elles puissent valider un CAP Cuisine auprès de grands chefs de la gastronomie toulousaine.

Un programme né à Marseille et arrivé à Toulouse en 2022

Aujourd’hui, Des Étoiles et des Femmes se déploie dans 14 grandes villes françaises, dont Toulouse qui est l’une des petites dernières arrivées en 2022. En 2021, l’équipe marseillaise est venue rencontrer Toulouse Métropole, puis Première Brique qui a été choisi afin d’identifier les acteurs locaux pour porter localement ce programme. En 2022, Première Brique brique a alors mis en place un premier co-portage entre l’association les Belles Gamelles et la Scop Égalitère. Et depuis janvier 2023, Des Etoiles et des Femmes est coordonné par Alice Pavillet chez Sororitère, l’association née de la Scop Égalitère. « On est identifié en tant qu’organisme de formation qui accompagne les femmes porteuses de projets et entrepreneures pour la création de leur entreprise, précise-t-elle. C’est sur ce savoir-faire, cette expertise autour de l’accompagnement spécifique des femmes que le choix de Festin, l’association marseillaise, s’est porté pour pouvoir incarner le programme des Étoiles et des Femmes ici à Toulouse. » 

Au départ du projet, Première Brique a essentiellement permis de faciliter la mise en lien entre les acteurs, notamment en se rapprochant de la CFA de Blagnac devenu l’organisme de formation du programme de l’antenne toulousaine, mais aussi en facilitant le montage administratif et financier. Ce qui a permis de lancer la première promotion dès septembre 2022. En septembre 2025, l’antenne toulousaine en sera donc à sa 4e promotion du programme. Tous les ans, Des Étoiles et des Femmes permet à une quinzaine de femmes cuisinières-stagiaires de valider une formation qualifiante, un CAP Cuisine, et de travailler un projet professionnel. « Tout au long de ce parcours, détaille la coordinatrice, nous les accompagnons sur les codes du travail, les horaires à respecter, les exigences de savoir-être… Mais aussi pour qu’elles mettent en œuvre des solutions concernant les questions de garde d’enfants, de logement, de mobilité, de démarches administratives ou de fracture numérique. Les stagiaires le savent, au même titre que tous les autres partenaires locaux et nationaux, elles doivent être actives et prendre leur part de responsabilité dans la réussite de ce programme, qui leur permet de valider un diplôme et de renouer avec un emploi de qualité et durable. »

Des stagiaires issus des quartiers prioritaires 

Pour ce genre de programme ambitieux, l’identification des 13 à 16 futures cuisinières-stagiaires s’avère être un véritable enjeu pour constituer une promotion et inscrire chaque candidate dans un parcours de réussite. L’objectif prioritaire de Sororitère ? Identifier en amont les femmes qui, de par leur passion pour la cuisine, souhaitent s’engager dans ce programme de formation. « Pour ce faire, nous réalisons un véritable travail, comme de la dentelle de territoire, en étroite collaboration avec les acteurs de l’emploi dans les différents quartiers prioritaires de la ville. Cela passe aussi par une vingtaine d’ateliers de remobilisation co-construits avec les acteurs associatifs du tissu local, comme cet atelier cuisine avec deux chefs du programme, Fabien Jean-Jean et Kévin Musset, mis en place à la Fête du Jeu à la Reynerie. » 

« Au sein de la promotion, elles ont un très fort esprit de cohésion, de solidarité et d’entraide, qui est très précieux le temps des neuf mois du CAP Cuisine, qui leur permet de valider leur diplôme et qui perdure au-delà de la période des examens. » Alice Pavillet

Une fois dans la promotion Des Étoiles et des Femmes, la quinzaine de stagiaires issues de ces quartiers prioritaires intègrent ce programme de formation pour adultes qui se construit dans une forme d’alternance : entre les cours théoriques et pratiques à la CFA de Blagnac, et la mise en pratique dans les restaurants partenaires (gastronomiques, bistronomiques ou de produits de saison) qui s’engagent à leur transmettre les beaux gestes techniques de l’excellence de la cuisine à la française. Sous les yeux approbateurs de Joyce tout sourire, Alice Pavillet note encore : « Au sein de la promotion, elles ont un très fort esprit de cohésion, de solidarité et d’entraide, qui est très précieux le temps des neuf mois du CAP Cuisine, qui leur permet de valider leur diplôme et qui perdure au-delà de la période des examens. »

Enfin, avant la fin du cursus de formation, Sororitère déploie une semaine entière de retour à l’emploi avec une visite inspirante dans l’un des restaurants partenaires. « Nous les mettons en lien avec une agence d’intérim, poursuit la coordinatrice du programme, nous organisons un atelier avec France Travail pour faciliter les démarches de recherche d’emploi et nous leur offrons un aperçu, pour celles qui nourrissent ce rêve, pour entreprendre et créer leur propre activité de traiteur. »

Décidément, il apparaît évident que Des Étoiles et des Femmes ne fait pas que mettre des étoiles dans les yeux des cuisinières-stagiaires des quartiers prioritaires, mais que le programme leur offre un parcours d’insertion professionnelle par la grande cuisine d’exception !

Plus d’infos sur : desetoilesetdesfemmes.org