SÉRIE 1 – Première Brique

Citoy’enR : ces citoyens qui produisent de l’énergie solaire

La coopérative d’énergie renouvelable Citoy’enR compte 600 sociétaires, une vingtaine de bénévoles et 16 projets de panneaux solaires déjà installés sur les toits de bâtiments publics et privés de la métropole toulousaine. Retour sur ce grand projet citoyen de la transition énergétique réussi, avec Benjamin Toullec et Jacques Le Bart, deux bénévoles-sociétaires qui l’ont initié en 2016 grâce à l’incubateur d’innovation sociale de Première Brique.

Partenariat rémunéré par Première Brique

Georges Chammas, Benjamin Toullec et Jacques Le Bart, bénévoles et sociétaires de Citoy’enR, sur la toiture de panneaux solaires des tennis des Ponts-Jumeaux à Toulouse © Récit en Série – Patrice Nin.
Georges Chammas, Benjamin Toullec et Jacques Le Bart, bénévoles et sociétaires de Citoy’enR, sur la toiture de panneaux solaires des tennis des Ponts-Jumeaux à Toulouse © Récit en Série – Patrice Nin.

Sur les toits des terrains de tennis couverts des Ponts-Jumeaux à Toulouse, les trois bénévoles arborant fièrement leur t-shirt jaune de Citoy’enR visitent l’installation de 556 m2 de panneaux solaires inaugurés en décembre 2020 et produisant 133 000 kWh d’électricité par an. Des projets de production d’énergie photovoltaïque sur l’ensemble de l’aire urbaine toulousaine comme celui-là, la coopérative d’énergie renouvelable Citoy’enR en compte pas moins de 16 déjà ! Des panneaux solaires sont installés sur les toits de gymnase et d’école à l’Union, de plusieurs groupes scolaires à Tournefeuille, Flourens, Pinsaguel et Colomiers, d’une crèche à Muret, de l’Oncopôle, du SDIS des pompiers, d’une école et d’un Ehpad à Toulouse, d’un centre des loisirs à Blagnac… Au total, pas moins de 3000 m² de toitures sont équipés en panneaux solaires grâce à Citoy’enR dans toute la métropole toulousaine, qui produisent 500 000 kWh par an soit la consommation annuelle d’électricité de près de 400 foyers. 

Ce qui est tout particulièrement impressionnant avec Citoy’enR justement, c’est la capacité à mener des projets d’installations de panneaux photovoltaïques d’envergure sur des bâtiments publics ou privés… uniquement grâce à l’implication de citoyens bénévoles et/ou sociétaires ! Une constante pour la coopérative d’énergie renouvelable, puisqu’en 2015, le projet est né à l’initiative de citoyens, déjà. « Au départ, on était le groupe énergie du collectif Toulouse Transition et on essayait de mener des actions bas carbone. Et en découvrant les projets de panneaux photovoltaïques portés par les collectifs citoyens Energie partagée et les Centrales villageoises, on a voulu faire la même chose à Toulouse… », se souvient Benjamin Toullec, 40 ans, ingénieur dans le spatial de profession et actuel président de la SCIC-SAS Citoy’enR.

D’un doux rêve à des projets concrets

Après une première réunion, le groupe énergie s’est vite rendu compte que pour lancer un projet de cette ampleur, il allait avoir besoin d’aide. D’où sa candidature à l’appel à projets de l’incubateur d’innovation sociale de Première Brique en 2016. « Première Brique a été le point de vue extérieur qui nous a permis de concrétiser ce projet, se rappelle Jacques Le Bart, 64 ans, membre du groupe moteur de Citoy’enR et entrepreneur retraité du secteur thermique. L’incubateur nous a donné un objectif commun et nous a aidés à ne pas partir dans tous les sens. Sans, ce projet ne serait peut-être resté qu’un doux rêve… » 

Écoutez le podcast Citoy'enR, le récit du projet.

Écoutez le podcast Citoy’enR, le récit du projet

D’autant que l’accompagnement de l’incubateur d’innovation sociale les « oblige » à produire des résultats. « On avait des connaissances techniques sur l’énergie, mais il nous manquait des connaissances plus générales sur l’économique, le juridique, le financier… L’accompagnement nous a permis aussi d’avancer sur tout le montage de la structure, le site Internet et la communication », complète Benjamin Toullec. L’autre point primordial apporté par Première Brique, relevé par les deux bénévoles engagés, pour la réussite de leur projet : la mise en réseau avec les collectivités locales de l’aire urbaine toulousaine, de l’Union en passant par Tournefeuille, ainsi qu’avec le fournisseur d’énergie renouvelable Enercoop Midi-Pyrénées, qui leur ont permis de passer à la concrétisation et à la pose des premiers panneaux photovoltaïques bien plus rapidement.         

De l’étude technique et administrative au choix de l’installateur et des panneaux solaires, Citoy’enR s’occupe du projet de A à Z. « Du montage à la finalisation, la commune n’a pas grand chose à faire si ce n’est passé un contrat qui nous permet d’occuper la toiture sur une durée de 20 à 30 ans », explique le président-bénévole, tout en précisant bien que la coopérative choisit en priorité des panneaux solaires français ou européens pour des questions de bilan carbone et de cohérence du projet. Et une fois le chantier sur la toiture terminé, c’est très simple : l’électricité produite à partir de ces panneaux photovoltaïques est revendue et repart dans le circuit électrique classique afin d’être redistribuée par le fournisseur d’énergie verte Enercoop et EDF.

Une coopérative de 600 sociétaires

Composée à 100% de citoyens engagés et bénévoles, Citoy’enR a bien grandi ! C’est aujourd’hui une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (Scic) de 600 sociétaires qui ont investi une épargne totale de 287 000 € dans des projets locaux d’énergie renouvelable. « La moyenne est de 300 à 400 €, même si concrètement ça va de 50 € à 8 000 €, note Jacques Le Bart. On n’est pas une entreprise comme les autres qui cherche à tout prix le profit, mais une entreprise sociale bien gérée. On prend le temps qu’il faut pour bien monter les projets. D’ailleurs, je crois beaucoup à la notion de ralentir, surtout lorsqu’on parle de transition énergétique. » 

« Notre objectif n’était pas forcément de faire du panneau solaire. Nous, on cherche surtout faire participer et à impliquer les citoyens dans la transition énergétique. On veut leur redonner le pouvoir d’agir ! » Jacques Le Bart

Ce qui est indéniable, c’est que le développement et la réussite de la coopérative Citoy’enR s’appuient entièrement sur l’implication des citoyens dans les projets. « Notre objectif n’était pas forcément de faire du panneau solaire. Si le modèle économique existait, on aurait sûrement préféré faire de l’isolation des bâtiments, je pense, argumente Jacques Le Bart. Nous, on cherche surtout faire participer et à impliquer les citoyens dans la transition énergétique. On veut leur redonner le pouvoir d’agir ! » Et c’est tout l’intérêt de la coopérative : car lorsqu’on en est sociétaire, quel que soit le nombre de parts sociales détenues, une personne égale une voix. Dans la Scic, l’argent ne fait pas le pouvoir !

« On consulte les sociétaires même au-delà de ce qui est légal, par webinaire, sondage, vote en ligne… y compris pour décider des taux d’intéressement qu’ils veulent appliquer à un projet. Côté gouvernance, on fonctionne avec un conseil d’administration, un groupe moteur de dix personnes et plusieurs groupes techniques par thématiques que l’on active selon les besoins », assure Benjamin. Et Jacques d’ajouter : « Il ne faut pas hésiter à devenir sociétaire. Il n’y a aucun risque, avec nous, votre épargne est bien placée et vous savez exactement à quoi sert votre argent localement ! Quand on sait qu’en moyenne les Français dispose de 20 000 € d’épargne : avec juste 300 € placé chez nous, il y aurait tant à faire pour la transition énergétique… »  

6% de solaire dans production d’électricité en France

En 2023, la production nette d’électricité s’élève à 505 TWh. La production d’électricité renouvelable représente 30 % environ de la production totale d’électricité, dont l’hydraulique renouvelable (15%), l’éolien (14%) et le solaire photovoltaïque (6%). Dotée de 56 réacteurs nucléaires, la France produit 70% de son énergie grâce au nucléaire.

Sources : SDES, Bilan énergétique de la France Insee-L’énergie nucléaire en France

En France, on dénombre 300 projets photovoltaïques citoyens, dont 70 rien qu’en Occitanie. Citoy’enR fait même partie du réseau national Énergie partagée ; ce qui leur permet d’échanger et de mettre en commun leurs ressources aussi. « On le voit bien, avance Benjamin Toullec. Comparativement parlant, dans le rural, le côté local des projets marche encore mieux du point de vue de la participation citoyenne. »

La force du nombre et du local !

Avec ces deux derniers projets de toitures photovoltaïques à Colomiers, Citoy’enR s’est tout particulièrement rendu compte de l’impact de la force d’implication des citoyens sur du micro-local. « On a réussi à lever les 120 000 € de fonds nécessaires en 6 à 9 mois à peine », s’enthousiasme-t-il. D’autant que le projet a été pensé dans son entièreté : non seulement, les habitants-parents sociétaires savent que leur argent est bien placé dans ce projet local et environnemental, mais en plus, les élèves du groupe scolaire équipé en panneaux solaires sont amenés à participer à des ateliers de sensibilisation sur les énergies renouvelables animés par Citoy’enR. La boucle de l’impact de la transition énergétique est bouclée.

Voilà aussi pourquoi d’un point de vue stratégique, la coopérative Citoy’enR s’oriente de plus en plus vers des projets photovoltaïques pour de l’auto-consommation, autrement dit pour des habitats de type participatifs par exemple qui utilisent l’électricité auto-produite par leurs panneaux solaires. La raison ? Ces projets amènent à une sensibilisation accrue des habitants qui les conduit forcément vers une plus grande sobriété énergétique. En matière de transition énergétique, les trois maître-mots de Citoy’enR restent dans l’ordre ceux de  l’association NégaWatt : sobriété, efficacité énergétique et énergie renouvelable. 

« Dans ce genre de projet on le sait, que ce soit pour peser sur les lois en faveur de la transition énergétique ou pour faire émerger localement les projets de panneaux photovoltaïques, c’est le nombre qui fait notre force ! » Benjamin Toullec

À peine descendu du toit des terrains de tennis des Ponts-Jumeaux, Georges Chammas, cet ancien ingénieur bâtiment retraité, qui fait lui aussi partie des bénévoles du groupe moteur de Citoy’enR depuis trois années maintenant, confirme aussi l’importance de la sensibilisation : « C’est parce que j’ai d’abord participé à un atelier que ce projet m’est resté dans un coin de la tête… Après, j’ai décidé de devenir d’abord sociétaire, puis bénévole maintenant. »

Énergies : fossiles vs renouvelables
  • Aujourd’hui, on utilise surtout des énergies fossiles que l’on trouve sous terre : pétrole, gaz, charbon. Problème : ces énergies sont polluantes et ces ressources s’épuisent…
  • Les énergies, dites durables ou renouvelables, sont issues de ressources non-polluantes et inépuisables, comme le soleil ou le vent. Pour capter et stocker la chaleur du soleil et la force du vent, on utilise des panneaux solaires et des éoliennes. 

Subissant également la crise actuelle du bénévolat, le président-bénévole tient à rappeler toute l’importance des citoyens engagés, des sociétaires et des bénévoles : « Dans ce genre de projet on le sait, que ce soit pour peser sur les lois en faveur de la transition énergétique ou pour faire émerger localement les projets de panneaux photovoltaïques, c’est le nombre qui fait notre force ! »

Plus d’infos sur : citoyenr.org

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Des Étoiles et des Femmes est un programme d’insertion par la cuisine, dans lequel des stagiaires-cuisinières des quartiers prioritaires se forment durant 9 mois à la CFA Cuisine de Blagnac et auprès des chefs de grands restaurants toulousains. Le point avec Alice Pavillet, la coordinatrice du programme chez Sororitère, l’association née de la Scop Égalitère qui a été choisie en 2022 par Première Brique pour porter ce projet.