Ma Bibliothèque d’Objets est un service innovant de prêt d’objets installé dans le quartier de la Cartoucherie à Toulouse. Mais comment ça fonctionne concrètement le prêt d’objets ? Fabien Estivals, qui a cofondé Ma BO avec Marie Boillot la présidente de l'association, l’explique et raconte l’histoire de ce projet qui fait partie de la promotion 2021 de l’incubateur d’innovation sociale de Première Brique.
Partenariat rémunéré par Première Brique
À la boutique de Ma Bibliothèque d’Objets dans le quartier de la Cartoucherie, les étagères sont remplies d’objets de prêt de toutes sortes : machine à coudre, perceuse, shampouineuse, décolleuse de papier peint, lisseur-boucleur à cheveux, remorque à vélo deux enfants, tireuse à bière, matelas gonflable, chaises et tente de camping… Ma BO est une véritable caverne d’Ali Baba. Cuisine, travaux, jardinage, arts créatifs, sport, beauté, vacances ou festivités…, peu importe ce que vous cherchez, il y a de fortes chances que vous le trouviez, puisque Ma Bibliothèque d’Objets compte pas moins de 450 objets ! Mais il ne s’agit surtout pas de l’acheter et de s’encombrer d’un énième objet, ici, il vous suffit juste de l’empruntez le temps dont vous en avez besoin. Le principe est simple : « Vous créez votre compte et vous vous acquittez des 5 € annuel au service, détaille Fabien Estivals, le cofondateur. Puis vous réservez l’objet sur notre site, sélectionnez un point relais près de chez vous où vous souhaitez le récupérer, et vous payez le coût de l’emprunt. Ensuite, vous utilisez l’objet et vous nous le rapportez. »
« Les gens réservent en ligne jusqu’au mercredi minuit pour pouvoir récupérer leur objet dès le jeudi 16h dans l’un de nos relais partenaires. Et nous, le jeudi, on part en tournée de livraison des objets réservés, et on récupère les objets de la semaine d’avant. » Clémentine, la coordinatrice technique
Au 1 bis rue Marie-Rose Gineste, le téléphone sonne. Clémentine, la coordinatrice technique, répond à une cliente de Villeneuve Tolosane, où vient d’ouvrir un tout dernier point-relais : « Ma Bibliothèque d’Objets, Bonjour… » Après avoir raccroché, la salariée spécialisée dans la logistique explique : « En plus de notre boutique à la Cartoucherie, on travaille avec une dizaine de points relais : Café & Co, Glanerie, Atelier des Bricoleurs, RoseLab, Brewlangerie… Les gens réservent en ligne jusqu’au mercredi minuit pour pouvoir récupérer leur objet dès le jeudi 16h dans l’un de nos relais partenaires. Et nous, le jeudi, on part en tournée de livraison des objets réservés, et on récupère les objets de la semaine d’avant. » Chaque période de prêt dure 6 jours : l’objet emprunté le jeudi doit être retourné avant l’heure de fermeture du point relais le mercredi suivant au plus tard.
Dans les bureaux, Marie-Hélène une retraitée est venue réserver deux barnums (ces tentes d’extérieur à toit plat) pour la grande fête annuelle de son association. À noter que l’abonnement annuel au service de prêt Ma BO s’élève à 25 € pour les structures associatives et les entreprises. Quelques minutes plus tard, Joseph, 21 ans, entre dans la boutique avec la souffleuse professionnelle empruntée la semaine dernière : « Je suis étudiant en Ergothérapie au PREFMS de Purpan et je vis aussi en colocation dans une maison du quartier de la Cartoucherie. Le concept est génial, je l’ai découvert en passant devant. Tout est très facile, entre la réservation en ligne et la boutique pas loin de chez nous. Et c’est pas cher, 11 € les 6 jours, en plus des 5 € à l’année qui seront vite rentabilisés, car j’ai déjà repéré d’autres objets en prêt, comme l’appareil à raclette… » Yannick, le volontaire en service civique de la logistique, récupère, examine et teste la souffleuse quasi-neuve, puis note seulement qu’il faudra remplacer le QRCode de la fiche pratique qui s’est décollé.
Mais alors quelle est donc, pensez-vous, la différence avec de la location ? Déjà la variété des objets de prêt est bien plus large que ceux habituellement loués aux professionnels ou amateurs aguerris du bâtiment notamment. « On n’est pas dans une simple relation d’entreprise à clients-consommateurs, précise Fabien Estivals, le responsable de Ma BO. On est dans une relation collaborative, coopérative avec nos usagers prêteurs-emprunteurs, puisqu’un tiers de nos stocks sont issus de prêts de particuliers qui contribuent à la démarche en mettant à disposition leurs objets au service de la communauté ! »
« Les gens achètent en masse quelque 2,5 tonnes d’objets, dont les deux tiers ne sont jamais utilisés ou que deux à trois fois dans l’année. » Fabien Estivals
Eh oui, Ma Bibliothèque d’Objets est bien plus qu’un simple service de prêt. La structure engagée porte un objectif fort d’impact social et environnemental. Ma BO veut contribuer à faire changer les comportements des gens en les faisant passer de l’achat systématique… au prêt ! Pour ce faire, Ma BO a pensé à tout, notamment à faciliter l’accessibilité globale du service en s’adaptant aux modes de consommation actuels. Pour encourager le passage du geste de propriété au geste d’usage, le prix était l’un des premiers facteurs. « Les gens achètent en masse quelque 2,5 tonnes d’objets, dont les deux tiers ne sont jamais utilisés ou que deux à trois fois dans l’année, chiffre le cofondateur. Il fallait donc qu’on propose un prix attractif qui incite à la bascule que l’on a été fixé à 10% de la valeur de l’objet. » Même enjeu avec la proximité du service. « Petit à petit, poursuit Fabien Estivals, on essaie de rapprocher le service des usagers, en maillant l’aire urbaine toulousaine avec de nombreux points relais. » La proximité, tout comme la réservation en ligne accessible sur smartphone, la diversité des objets ou l’accompagnement des usages sont autant de facteurs déclencheurs pour passer au prêt. Et le responsable d’ajouter : « Les gens doivent prendre le réflexe de regarder d’abord chez nous, car ils doivent automatiquement se dire que nous devons forcément avoir l’objet qu’il recherche ! »
Prix attractifs, proximité des points relais, réservation facile en ligne, diversité des objets, plus accompagnement aux usages et contrôle des objets, voilà les plus-values de Ma BO. « La satisfaction vient aussi du petit conseil que l’on donne à nos usagers, renchérit Fabien, ainsi que de nos fiches pratiques qui permettent de démocratiser l’accès aux objets pour tous. Ainsi que la vérification systématique des appareils qui évite les mauvaises surprises du prêt entre voisins et assure à l’emprunteur que l’objet est en parfait état de marche. » En effet, tous les appareils techniques disposent de fiches pratiques de type tutoriels fournies en plus de la notice complète disponible en format numérique sur le site via un QRCode. « Ce qui permet de garantir la sécurité des usagers et les bonnes pratiques qui vont permettre de faire durer les objets », note le responsable. Et sans oublier les consommables mis à disposition pour s’éviter de devoir aller les acheter en magasin. Du genre des disques de ponçage de chaque grain fournis par défaut avec la ponceuse, facturés à 1,80€/unité au retour selon utilisation. Ultra-pratique, non ?
Fabien Estivals, qui a cofondé Ma Bibliothèque d’Objets avec Marie Boillot, se remémore la genèse de ce service innovant de prêt d’objets, qui a intégré la promotion 2021 de l’incubateur d’innovation sociale Première Brique. « Avec Marie Boillot, la cofondatrice et désormais présidente de l’association, on voulait créer un projet qui s’inscrit en amont de l’économie des ressources, avant leur statut de déchets dans la boucle des recycleries et ressourceries de l’économie circulaire, en travaillant d’avantage sur la mutualisation des usages. Quand on sait que l’humanité utilise deux fois les ressources que la planète produit annuellement, il fallait agir et faire quelque chose pour limiter notre production d’objets, tout en répondant à nos besoins et usages quotidiens. »
Écoutez le podcast Ma Bibliothèque d’Objets, le récit du projet
Et le cofondateur sait de quoi il parle puisqu’il a longtemps travaillé dans la mutualisation d’objets professionnels pour les acteurs culturels. Ce qui était donc vrai pour les pros de ce secteur, pouvait donc l’être aussi sur de la mutualisation d’objets grand public pour les particuliers. Fabien Estivals raconte : « Le partage d’objets se faisait déjà entre voisins, via des sites comme AlloVoisins ou par des détournements d’usages du Bon Coin… Mais le frein que l’on a identifié à la démocratisation de ces pratiques était la confiance accordée en les biens et en les personnes, que ce soit du côté des prêteurs ou des emprunteurs. »
En amont de leur candidature à l’appel à projets de l’incubateur en innovation sociale de Première Brique, les deux porteurs de projets font ce constat, sans forcément partir sur le concept actuel de Ma BO. « Au départ, Première Brique a challengé notre idée et nous a fait faire un pas de côté, en nous permettant de bien réfléchir à la fois à la raison d’être du projet et à nos souhaits de métiers. » Durant l’accompagnement, les porteurs de projet découvrent que le concept de « Libary of Things » existe à l’étranger, depuis les années 1970 au Canada et aux États-Unis et les années 2000 en Scandinavie, en Suisse et en Belgique. Fabien Estivals et Marie Boillot profitent alors de leur baisse d’activité durant le confinement pour les contacter et les interroger. Les deux entrepreneurs sociaux notent ce qui fonctionne bien, ce qui est réplicable et ce qui doit être adapté. Et le cofondateur d’ajouter : « On s’est aussi appuyés sur le travail des sciences comportementales afin de comprendre comment accompagner ce changement de comportements pour faire passer les gens d’un mode de consommation voire de surconsommation d’achats d’objets, à cette économie du partage des objets et de la fonctionnalité. »
13 minutes de perçeuse par an !
La durée d’utilisation d’une perceuse en moyenne par an, c’est 13 minutes ! On en possède tous une dans nos placards, que l’on ne va utiliser que l’équivalent de trois week-end dans notre vie.
Avec Première Brique, les deux cofondateurs passent par pas mal d’étapes qui vont être garantes de la réussite de leur projet, notamment l’étude d’opportunités et l’engagement des parties prenantes. « Comme tous les porteurs de projets, on ne pensait plus qu’à ça et on trépignait d’impatience à l’idée de passer à l’action… Mais aujourd’hui, on se rend compte qu’une fois l’activité lancée, on n’a plus le temps pour tout ce travail. Or, plus on pousse les réflexions sur le concept, plus on en a la maîtrise après. Et plus on a su mobiliser ses parties prenantes en amont, des usagers-bénéficiaires aux partenaires institutionnels, plus on est opérationnels par la suite. » Même constat bénéfique quant à la hauteur prise lors de l’accompagnement tant sur les aspects juridiques ou financiers, que sur la mesure d’impact.
En chiffres, Ma Bibliothèque d’Objets compte donc 450 objets disponibles en prêt, plus de 650 utilisateurs uniques réguliers pour près de 2 000 adhérents, et 12 points-relais dont 2 en entreprises chez Actia et Enedis, plus le local de la Cartoucherie. Aujourd’hui, les objets sont empruntables une semaine, renouvelable 3 fois, du jeudi au mercredi. Bientôt, ils le seront aussi à la journée ! En plus de son équipe permanente de trois salariés, Ma BO bénéficie d’une équipe de bénévoles, présidée par sa cofondatrice Marie Boillot, qui contribue activement à faire vivre le projet. Côté salariés, il s’agit d’ajouter Léonore, la nouvelle animatrice des programmes pédagogiques en transition écologique auprès des entreprises, des collectivités et des scolaires ; et deux volontaires en service civique, dont Lisa qui s’occupe de la mesure d’impact, d’un futur atelier partagé actuellement à l’étude et des ateliers de réparation bénévoles organisés à la Halle de la Cartoucherie et aux 500. Ma BO faisant partie de Chemin Faisant, un collectif d’associations toulousaines d’éducation à l’environnement et à l’écologie.
D’ailleurs, si ce service innovant n’est pas gratuit mais très peu cher, c’est parce qu’il a une valeur de service public et que l’association bénéficie de subventions. « Le tarif valorise tout le travail de la sensibilisation à la mutualisation effectué par les salariés de Ma BO, défend le responsable, pour faire en sorte que, demain peut-être, le partage d’objets devienne la norme afin de nous éviter collectivement de consommer toutes ces ressources et de produire trop de ces objets, qui sont certes utiles mais que pour des usages ponctuels. »
« La moitié des objets qui dorment chez vous ne sont pas ou très peu utilisés. Si vous nous les prêtez, vous pourrez les emprunter gratuitement quand vous le souhaitez. Et nous, nous les stockons et les entretenons gratuitement pour vous. » Fabien Estivals
Et Fabien Estivals de conclure : « La moitié des objets qui dorment chez vous ne sont pas ou très peu utilisés. Si vous nous les prêtez, vous pourrez les emprunter gratuitement quand vous le souhaitez. Et nous, nous les stockons et les entretenons gratuitement pour vous. Bien sûr, vous pouvez aussi nous donner tous les objets qui vous encombre pour rien. » Ma Bibliothèque d’Objets nous permet ainsi à nous tous de sortir de l’achat systémique et systématique, tout en ayant à portée de main les objets dont on a besoin, et tout en nous permettant de nous désencombrer physiquement et mentalement de tout ce qui dort dans nos placards, nos garages ou nos greniers. À bon entendeur, usagers prêteurs-emprunteurs.
Plus d’infos sur : ma-bo.fr
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Ma Bibliothèque d’Objets : n’achetez pas, passez au prêt !
Écoutez le récit de Ma Bibliothèque d'Objets, appelée aussi Ma BO, ce service innovant de prêt d’objets à Toulouse.
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