SÉRIE 2 – L’Isle-en-Dodon

Quatre médecins portugaises pour un village

Loin de la problématique des déserts médicaux dans les campagnes françaises, L’Isle-en-Dodon a trouvé la solution : le recrutement de médecins du Portugal. Rencontre au Centre de Santé avec les trois dernières recrues portugaises, Engracia Oliveira, Mélanie De Faria et Dora Ribeiro, ainsi que des patients de la salle d’attente. 

Les trois dernières recrues portugaises, Mélanie De Faria, Engracia Oliveira et Dora Ribeiro, du Centre de Santé de L'Isle-en-Dodon © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Les trois dernières recrues portugaises, Mélanie De Faria, Engracia Oliveira et Dora Ribeiro, du Centre de Santé de L’Isle-en-Dodon © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Rendez-vous est pris en début d’après-midi du mercredi 18 juin 2025, après les consultations du matin et juste avant les visites à domicile, au Centre de Santé du chemin des Escarreres à L’Isle-en-Dodon, avec trois des quatre médecins arrivées tout droit du Portugal ; la docteur Soraia Dantas étant actuellement en congé maternité. La toute première, celle qui a ouvert la voie et évité que le village ne devienne un désert médical comme d’autres communes rurales ? Teresa Castro, qui a quitté son Portugal natal pour venir s’installer à L’Isle-en-Dodon (31) comme médecin généraliste en mars 2014. 

Dans la salle d’attente, Géraldine, une L’Isloise patiente du cabinet depuis quatre années, l’assure avec conviction : « Ah oui, c’est vraiment bien qu’elles soient quatre aujourd’hui, car ça commençait à devenir problématique… On est heureux que ces médecins portugaises veuillent bien venir s’installer dans notre petit village. Je ne sais pas comment on aurait fait, car aucun médecin alentours ne prenait de nouveaux patients. Mon fils a une pathologie cardiaque qui nécessite un suivi médical. Alors, on est vraiment contents de ne pas se retrouver isolés et en danger. On les remercie d’autant plus qu’elles sont très à l’écoute et très compétentes. Je viens toujours ici en toute confiance. » Tatiana et Serge, d’anciens Bordelais récemment installés à Saint-Lary-Boujean pour leur retraite mais souffrant de pathologies médicales complexes, se disent également ravis et rassurés qu’on leur ait conseillé ce cabinet à 30 minutes de chez eux. Dans l’un des quatre cabinets médicaux du Centre de Santé, les trois médecins portugaises témoignent aussi de leur expérience inédite.

Engracia Oliveira, 54 ans, est l’une des deux premières médecins portugaises arrivées sur la commune de L’Isle-en-Dodon avec Soraia Dantas. Elle raconte, sans faux-semblants, les différences entre les deux pays et son arrivée au cabinet L’Islois.

« Quelque temps avant le départ à la retraite de la docteur Teresa Castro en janvier 2024, j’ai été contactée par la même entreprise de recrutement de professionnels de santé. On m’a mise en relation avec elle et je suis venue voir comment le métier s’exerçait ici… Au Portugal, j’étais médecin conventionnée salariée et je travaillais en ville dans une Unité de Santé Familiale avec toute une équipe (infirmières, personnels administratifs…). Autre différence : on ne se déplace pas au domicile des patients, sauf exception. Quand je suis arrivée dans cette commune rurale, j’ai été choquée par la campagne, les vaches, et le fait que l’on fasse beaucoup de kilomètres en voiture pour les visites à domicile. Très franchement, au début, je ne pensais pas venir m’installer… Et puis, on m’a convaincue et je ne le regrette pas. Je me suis inscrite à l’Ordre des Médecins à Toulouse et je suis arrivée au Centre de Santé en juillet 2019. Ici, le travail ne s’organise pas du tout de la même façon. Au Portugal, on dispose d’un dossier médical numérique partagé qui regroupe toutes les informations médicales du patient (examens, comptes rendus, hospitalisations…). Le médecin ne s’occupe donc que des soins. En France, on est obligés d’appeler pour obtenir des rendez-vous avec des spécialistes pour nos patients et de leur adresser des lettres, des comptes rendus… À mon arrivée, il y a eu quelques habitants mécontents qui ne comprenaient pas pourquoi il n’y avait pas de médecin français. Mais majoritairement, tout se passe bien et la population est plutôt rassurée d’avoir toujours un médecin de garde au village. » 

«  À mon arrivée, il y a eu quelques habitants mécontents qui ne comprenaient pas pourquoi il n’y avait pas de médecin français. Mais majoritairement, tout se passe bien et la population est plutôt rassurée d’avoir toujours un médecin de garde au village » Engracia Oliveira

Mélanie De Faria, 37 ans, la troisième médecin portugaise du Centre de Santé de L’Isle-en-Dodon arrivée en juillet 2023, raconte.

« Moi, je suis franco-portugaise, car je suis née en France de parents portugais avant qu’on ne reparte au Portugal. À la fin de mes études de médecine, j’ai été recrutée par la même entreprise. Ce que j’apprécie au Centre de Santé, c’est que l’on travaille ensemble avec les collègues. On peut discuter des cas cliniques complexes et on peut demander l’opinion d’un spécialiste par télé-expertise si on a un doute aussi. Le fait que l’on soit plusieurs médecins nous permet également de prendre des vacances. Sans l’équipe, je ne serai pas venue, car il est quasiment impossible d’avoir des médecins remplaçants… Ce que j’aime en France, c’est qu’en tant que médecin libéral, on a la liberté de gérer et organiser notre travail comme on l’entend. »

«  Avec mes collègues, on peut discuter des cas cliniques complexes… Sans l’équipe, je ne serai pas venue, car il est quasiment impossible d’avoir des médecins remplaçants… » Mélanie De Faria

Dora Ribeiro, 32 ans, la quatrième et dernière médecin portugaise, relate son arrivée en janvier 2025.

« Avec mon mari, qui est ingénieur dans le secteur de laérospatial, on cherchait un pays où s’installer pour travailler. Moi, j’avais déjà de la famille en France et, comme les collègues, je suis passée par la même entreprise de recrutement. C’est vrai que le fait d’avoir des médecins portugaises déjà sur place, ça facilite beaucoup toutes les démarches d’installation. Globalement, j’ai vraiment de très bonnes relations avec les patients – certains m’offrent même des fleurs –, ainsi qu’avec les autres professionnels de santé du village (infirmières, pharmaciens…). Pour vous donner une idée, le Centre de Santé compte pas moins de 2 500 patients réguliers, des habitants de L’Isle-en-Dodon et des villages alentours, sans compter les occasionnels. En plus des consultations au cabinet et des visites à domicile, on assure aussi les gardes le soir et quelques permanences à la Maison Médicale de Garde de Saint-Gaudens. »   

«  Le Centre de Santé compte pas moins de 2 500 patients réguliers, des habitants L’Isle-en-Dodon et des villages alentours, sans compter les occasionnels… » Dora Ribeiro

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