SÉRIE 2 – L’Isle-en-Dodon

Une journée à la maison de retraite

Situé au cœur du village dans un petit cadre de verdure, la maison de retraite Faux Bourg Saint-Adrien est un Ehpad public de 88 résidents et 70 employées en grande majorité au féminin : cadre de santé, agentes de service hôtelier (ASH), aides-soignantes, infirmières, cuisinières, blanchisseuses, psychologue, animatrice… Récit d’une journée ordinaire au plus près des personnels et des résidents. 

Au 1 rue Saint-Adrien à L’Isle-en-Dodon, passé le petit pont, le portillon et les escaliers, se trouve l’entrée visiteurs de la maison de retraite Au Faux Bourg Saint-Adrien © Récit en Série - Isabelle Desprez
Au 1 rue Saint-Adrien à L’Isle-en-Dodon, passé le petit pont et les escaliers, se trouve l’entrée visiteurs de la maison de retraite Faux Bourg Saint-Adrien © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Au 1 rue Saint-Adrien à L’Isle-en-Dodon, passé le portillon, le petit pont et les escaliers, se trouve l’entrée visiteurs de la maison de retraite Faux Bourg Saint-Adrien. Ce mardi 17 juin 2025 matin, dans le petit salon du deuxième étage de l’Ehpad public, Jacqueline, 89 ans, Juliette, 91 ans, et Arlette, 83 ans et dernière arrivée, plient les lavettes du ménage. Un petite activité prétexte pour se sentir encore utiles et surtout pour passer un moment entre voisines de chambre. Pour l’instant, Arlette, ancienne agente d’entretien du collège L’Islois, n’accepte pas encore d’être à l’Ehpad et de ne plus vivre dans sa maison de L’Isle-en-Dodon. Alors, pour faire mieux connaissance, les trois résidentes se racontent… Jacqueline reconnaît qu’elle aussi a eu des coups de cafard, particulièrement à la mort de son mari il y a deux ans, tout en se remémorant ses métiers d’avant, de la confection de chemises à garde-barrière. Son journal sous le bras, Juliette, elle, qui a travaillé à l’Assurance Maladie, apprécie beaucoup s’être fait des copines dans la maison de retraite.

Jacqueline, 89 ans, Juliette, 91 ans, et Arlette, 83 ans, plient les lavettes du ménage © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Arlette, 83 ans, Jacqueline, 89 ans, et Juliette, 91 ans, plient les lavettes du ménage © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Du monde dans les couloirs…

Dans les étages et dans quelque chambres, les télés sont allumées assez fort à cause des problèmes d’audition des résidents, parfois sur les mêmes programmes. Dans le long couloir, Tanguy, le kinésithérapeute externe présent sur l’établissement les mardi et jeudi matin, fait marcher Yvette avant de la raccompagner dans sa grande chambre sur son fauteuil installé devant la télé et toutes les photos de famille accrochées au mur. « Il est très important de leur faire travailler la verticalisation », précise-t-il. 

Pendant ce temps, Lucie, l’agente de service hôtelier (ASH) à la blouse violette, pousse son charriot de produits ménagers. Comme tous les jours, elle s’apprête à faire le ménage selon un protocole d’hygiène strict (poussière, salle de bain et sols) dans 12 chambres avec balcons, WC collectifs et couloirs. « Je m’occupe aussi de changer les draps et de donner des boissons fraîches aux résidents l’après-midi pour éviter la déshydratation. Beaucoup oublient de boire ou ne ressentent pas de sensation de soif, décrit-t-elle, avant d’ajouter. Je sais que les Ehpad peuvent avoir mauvaise réputation… Mais ici, on travaille globalement dans de bonnes conditions, ce n’est pas l’usine : on prend le temps qu’il faut et on est toutes très attentives aux résidents. »

Lucie, l’agente de service hospitalier (ASH) à la blouse violette, pousse son charriot de produits ménagers © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Lucie, l’agente de service hôtelier (ASH) à la blouse violette, pousse son charriot de produits ménagers © Récit en Série – Isabelle Desprez.

De la salle d’animation à la lingerie

Pour se repérer dans les personnels de la maison de retraite Faux Bourg Saint-Adrien, il faut se référer aux couleurs des tenues : les aides-soignantes sont en rose, les infirmières en vert, les agentes de service hôtelier (ASH) en violet, l’animatrice et la psychologue portent des blouses fleuries. Dans son bureau, la cadre de santé Nathalie Boubée, qui gère l’organisation de l’Ehpad public, annonce les chiffres précis : « On compte 88 résidents, dont 7 en secteur protégé, et 70 personnels. » Dans la grande salle d’animation, Lou et Clémence, deux jeunes stagiaires, apprennent le Uno à Juliette, Arlette et Marie-Antoinette. La résidente de 84 ans se rappelle combien elle aimait jouer au football dans la cour de l’école – « même si ça ne plaisait pas trop à l’époque », se souvient-t-elle –, et comment elle dirigeait autrefois sans problème des hommes à la quincaillerie de son frère Marcel. Celle qui préfère la belote casse, elle aussi, tous les clichés que l’on pourrait se faire sur ces « vieilles dames en Ehpad ». 

Dans la grande salle d’animation, Lou et Clémence, deux jeunes stagiaires, apprennent le Uno à Jacqueline, Juliette, Arlette et Marie-Antoinette © Récit en Série - ISabelle Desprez.
Dans la grande salle d’animation, Lou et Clémence, deux jeunes stagiaires, apprennent le Uno à Marie-Antoinette, Arlette et Juliette © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Devant les grands ascenseurs, les résidents en fauteuil ou déambulateur patientent, pendant que deux techniciens hospitaliers accomplissent leurs travaux divers à caractère technique. Au sous-sol, la blanchisserie tourne à plein. Sandra, l’une des trois blanchisseuses-lingères, s’attelle à tout le linge de la maison de retraite : « Tout est lavé tous les jours, rien ne sort de l’établissement : draps, serviettes de toilette et de table, linge des résidents, tenues des personnels, rideaux… Au total, on lave près de 1,2 tonne de linge par semaine. » Et jamais le sale déposés en sacs d’un côté et le propre ne se mélangent. « On commence par trier le blanc et la couleur, puis par lancer les trois énormes machines aseptiques. Ensuite, ça part dans les deux sèches-linges et la calandre ou sécheuse-repasseuse à plat. On plie, repasse, redistribue tout le propre, et on dépose le linge des résidents dans leur clayette nominative. Et il nous arrive de faire un peu de couture aussi. »

De l’entrée à la salle à manger, en passant par la cuisine

11h, retour dans le couloir de l’entrée, André, 92 ans et ancien formateur à la Chambre de Commerce, reste fidèle à son poste d’observation stratégique depuis trois ans maintenant. « J’aime la tranquillité et le calme de la maison de retraite et me mettre face à l’entrée, car il y a du passage et qu’on peut toujours y voir du monde », avance-t-il en lançant à un résident de son âge un « Salut jeune homme ! », histoire de lancer justement la conversation. Sur la chaise d’à-côté, Denise, 95 ans et ancienne éleveuse de poulets, s’ennuie un peu aujourd’hui : « À mon âge vous savez, j’en ai parfois marre de la vie. Mais j’ai la chance d’être bien entourée et de voir souvent mes enfants et petits-enfants. C’est pas comme mon amie Perrette qui est toute seule… Heureusement que je suis là pour lui remonter le moral. »

Petit à petit, accompagnés par Chantal l’aide-soignante et par Aymé, le jeune stagiaire, les résidents avec ou sans canne, déambulateur ou fauteuil, attendent l’heure sacrée du repas en bavardant. Peu à peu, les tables de quatre des trois pièces de la salle à manger se remplissent, chacun s’installant toujours à la même place. Au menu du jour : mouliné de légumes, boudin grillé aux pommes, flan. À la table du fond, Bernadette, ancienne ouvrière dans une usine de culottes, apprécie le repas, tout comme les animations musique et cinéma. « Mais beaucoup moins la gym », plaisante-t-elle à moitié.

Cathy la cuisinière, et Gilbert au fond, sert des soupières de mouliné de légumes pour le service à table © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Cathy la cuisinière, avec Gilbert au fond, sert des soupières de mouliné de légumes © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Dans la cuisine ouverte sur la salle à manger, Cathy, l’une des quatre cuisinières et cuisiniers, sert des soupières de mouliné de légumes pour le service à table. « On prépare sur place tous les repas préétablis par la diététicienne externe avec un maximum de produits locaux et de saison. J’ai le respect des personnes âgées : j’aime leur faire plaisir en cuisinant pour eux et en échangeant avec eux, notamment à la Commission des Menus. »

Au milieu des tables, avec leurs blouses vertes et leur charriot médical, les infirmières Marie-Pierre et Nathalie distribuent les traitements préparés d’avance dans les piluliers nominatifs : anti-douleurs, médicaments pour le cœur, diurétique, laxatif, tests de glycémie et insuline… « On s’occupe aussi des pansements, des suivis et rendez-vous médicaux ou hospitaliers… », ajoute Nathalie, l’une des six infirmières présentes de 8h30 à 20h30. Le soir, ce sont les veilleuses de nuit qui prennent le relais… Dans la salle de devant, Raymond, 93 ans, ancien employé en coopérative agricole et habitant de L’Isle-en-Dodon, s’amuse à taquiner gentiment les personnels : « Elles sont à peu près bien ici… Moi, j’ai le cœur un peu fatigué, mais j’ai gardé toute ma mémoire et je me débrouille plutôt bien au quiz », assure-t-il en évoquant ses passions pour l’histoire et le sport (foot et rugby). 

Les infirmières Nathalie et Marie-Pierre distribuent les traitements préparés d’avance dans les piluliers nominatifs © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Des Lilas au bureau de la psychologue

Dans la salle des Lilas, les nombreuses aides-soignantes (AS) s’activent afin de pouvoir aider les nombreux résidents les moins autonomes physiquement voire en situation de handicaps lourds à prendre leur repas, puis à aller aux toilettes. Célia, aide-soignante en poste depuis sept ans, le confirme : « Oui, c’est un métier dur physiquement. Heureusement, dans cette maison de retraite, il y a un très fort esprit d’équipe. » Aujourd’hui, la salon de coiffure est fermé. Dans la salle de rééducation, le kiné poursuit ses manipulations avec les jambes de Georgette. « C’est important de leur permettre de garder leurs appuis pour éviter les escarres et les maintenir en autonomie, car on sait que ça joue beaucoup sur leur état de santé physique et psychologique. » Prenant appui sur la barre avec ses deux mains, Félicia réussit à se lever de son fauteuil et à se tenir debout un instant sous les encouragements de Tanguy.

Dans la salle de rééducation, Tanguy le kinésithérapeute poursuit ses manipulations avec les jambes de Georgette © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Dans la salle de rééducation, Tanguy, le kinésithérapeute, poursuit ses manipulations avec les jambes de Georgette © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Dans son bureau, Mélanie, la psychologue de l’établissement depuis douze ans, suit tous les résidents et accompagne les familles. « Beaucoup ont du mal à accepter l’entrée en Ehpad et en dépendance, et les familles aussi culpabilisent, assure-t-elle. Deuils, troubles cognitifs, comportements réactionnels… Je suis là pour prendre le relais des collègues face à des situations difficiles : une agressivité, une personne réfractaire, une déprime, une idée délirante, une désinhibition, une agitation ou une apathie… Comme je connais leur biographie, j’arrive mieux à comprendre ce qui ressort à ce moment-là. Je me mets à l’écoute de leur émotion, je les rassure et les apaise en leur parlant de ce qui leur fait plaisir par exemple. » Sam, le chien d’eau espagnol de la maison de retraite, lui sert aussi de médiateur : « Sa présence rééclaire immédiatement leurs visages », note la thérapeuthe. La psychologue a également mis en place des Fiches des capacités préservées et des Fiches des habitudes, souhaits et attentes dans le but de permettre aux équipes de bien connaître les résidents et de s’adapter à leurs besoins spécifiques.         

Une unité Alzeihmer et des animations mémoire

Au Cantou, l’Unité Alzeihmer appelée aussi le secteur protégé, est exclusivement réservé aux sept résidents dits déambulants et atteints de la maladie d’Alzeihmer. Dit comme ça, on pourrait s’attendre à un lieu enfermant et déshumanisant, mais c’est tout le contraire. Anne, l’une des aides-soignantes du secteur depuis 2005 et de la maison de retraite depuis 33 ans, s’applique à garder leurs habitudes, leurs repères. « L’odeur du café, les ateliers cuisine avec leurs propres recettes et créatifs pour la décoration, mais aussi leurs horaires individuels pour le lever… Histoire qu’ils se sentent un peu comme à la maison. Bien sûr, avec ces résidents-là, il faut faire preuve de beaucoup de patience et beaucoup répéter les choses. » Sophie et Laurence complètent : « C’est vrai, mais ça reste pour les aides-soignantes un secteur plus lourd, plus dur, parce qu’on est seule en service ici. »

Dans le jardin fermé attenant, Micha, le chat du Cantou, se prélasse à l’ombre d’un arbre, juste à côté de la réunion de transmission orale des AS de l’Ehpad sur l’état d’esprit et de santé du jour des résidents, en complément des fiches de suivi informatiques.  

Au programme du jour : des quiz mémoire sur la cuisine, l’histoire de France, et les fruits et légumes, organisés par Clémence, l’animatrice © Récit en Série - Isabelle Desprez.
Au programme du jour : des quiz mémoire sur la cuisine, l’histoire de France, et les fruits et légumes, organisés par Clémence, l’animatrice © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Vers 15h avant le goûter, les jeunes stagiaires s’appliquent à faire le tour de toutes les chambres pour rameuter une quinzaine de résidents dans la grande salle d’animation. Au programme du jour : des quiz mémoire sur la cuisine, l’histoire de France, et les fruits et légumes, organisés par Clémence, l’animatrice de la maison de retraite. Sorties, chants et chorale, cinéma, gym, quiz et jeux de société, lotos, journal trimestriel, vide-greniers, marché de Noël, fête de la maison de retraite avec les familles… Ici, les animations ne manquent pas. Une association « Les Papillons Blancs » a même été créée exprès. « Au vu de leur grand âge – les résidents arrivent chez nous de plus en plus tard –, ces animations sont importantes tant pour mobiliser leurs capacités cognitives que pour cultiver les contacts sociaux, et ne pas s’isoler en restant enfermés dans leurs chambres. Dans mon métier, j’ai de la chance, reconnaît Clémence, je ne les vois que dans les bons moments. Mais cela reste toujours dur quand on perd des résidents, car on s’attache toutes forcément à un moment… »

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