SÉRIE 2 – L’Isle-en-Dodon

Gaye-Poussou : un couple, deux éleveurs, deux fermes et un atelier

Le couple Gaye-Poussou possède deux fermes, une à L’Isle-en-Dodon et une à Charlas, plus un atelier de découpe dans le centre-bourg L’Islois. D’où leur nom d'exploitation : « L’Atelier des 2 fermes ». Rencontre avec deux éleveurs à part entière, aux caractères et aux activités complémentaires. Bonjour, veaux, vaches, brebis, cochons…  

Jérôme Gaye et Aurélie Poussou devant la stabulation des vaches mères limousines dans la ferme de L’Isle-en-Dodon © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Une fois passé le petit chemin de terre et arrivé dans la cour de la ferme de L’Isle-en-Dodon, les chiens aboient pour avertir de l’arrivée d’un visiteur. Un chat aussi passe. Le père de Jérôme Gaye sort avec sa canne pour prévenir que son fils et sa belle-fille Aurélie Poussou reviennent à 9h30 de l’abattoir de Boulogne-sur-Gesse. Le couple de quadragénaires débarque avec le camion-frigo. Si l’on perçoit leur complicité, les deux éleveurs-agriculteurs ont des personnalités et des parcours bien différents.

Deux éleveurs, deux itinéraires

Aurélie a le verbe facile et l’éleveuse en reconversion parle avec aisance de son nouveau métier. Jérôme, lui, est plus taiseux mais il a l’agriculture en héritage qui coule dans ses veines. La ferme L’Isloise est dans sa famille depuis trois générations. Jérôme a grandi ici et son attachement est palpable. Dans la famille Gaye, on est éleveur de père en fils. « Je continue le travail des anciennes générations. Je veux transmettre ce que l’on m’a transmis… », lâche-t-il dans un touchant sourire. Aurélie, l’ancienne cuisinière de collège, elle, s’est reconvertie à l’agriculture en 2020 seulement. Et elle aussi a sa ferme à Charlas, où elle élève en plein air 25 truies en Porc noir et Duroc, deux races anciennes ; ce qui fait qu’elle a environ 200 cochons a l’engraissement. On comprend mieux le nom de leur exploitation : « L’Atelier des 2 fermes », sachant que le couple possède également un atelier de découpe sur la place d’Armes, dans le centre-bourg de L’Isle-en-Dodon. 

« On sait exactement ce que les vaches mangent : que du foin (herbe, luzerne et trèfle) et un mélange de céréales (orge, avoine, pois et vesces) ; et tout est produit sur la ferme. On n’est pas en bio, mais on pourrait. » Aurélie

Dans la ferme L’Isloise, les deux agriculteurs élèvent 65 vaches limousines, 2 taureaux et 25 à 30 veaux, plus 50 brebis. « Quand j’ai repris l’exploitation, j’ai arrêté les vaches laitières, le lait ne rapportait rien, pour me convertir en éleveur de vaches limousines à viande », assume Jérôme Gaye. Avec sa robe marron, plus claire sous le ventre et autour des yeux et du mufle, la Limousine est une race bovine française rustique, originaire du Limousin, d’où son nom. Dans leur stabulation, les vaches, ici que des mères, sont belles et paisibles. « On sait exactement ce qu’elles mangent : que du foin (herbe, luzerne et trèfle) et un mélange de céréales (orge, avoine, pois et vesces) ; et tout est produit sur la ferme. On n’est pas en bio, mais on pourrait. On va dire qu’on est en conventionnel raisonné plus plus, car on n’utilise pas de désherbant et seulement du fumier comme engrais naturel. »

Le mélange de céréales (orge, avoine, pois et vesces) cultivées sur les terres de la ferme pour nourrir les vaches et les bêtes © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Les deux exploitants disposent d’une centaine d’hectares de terres cultivées en céréales, dédiées exclusivement aux bêtes ; les bottes de paille servant aux litières. Ce matin, Jérôme doit s’occuper de réparer la vis de son silo. « C’est important, parce que je garde un peu de grains pour resemer, explique l’agriculteur qui s’occupe principalement du travail des champs et est actuellement sur ses derniers jours de moissons. On fait appel à un moissonneur : il vient chez nous en fin d’après-midi et moi je le suis avec la benne. On peut y être jusque très tard ce soir, mais ça dépendra de l’humidité… » Avant de compléter : « Eh oui, pour nous autres agriculteurs, la météo, c’est important et c’est toujours la première chose que je regarde en me levant ! »   

Le silo du corps de ferme pour conserver les grains à resemer © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Taureaux, vaches limousines, veaux, brebis et porcs noirs

Direction l’autre étable où loge l’un des deux taureaux de la ferme. Un beau bébé de 900 kg de muscles que Jérôme sort. À côté, les veaux se rapprochent, impatients. « Ils le savent : on les emmène téter leur mère 1h le matin et 1h le soir pour qu’ils prennent bien. Il y en a de tous les âges, car on a des vêlages toute l’année. Là, on a un qui a seulement 8 jours et les plus vieux ont 5-6 mois. Mais seuls les veaux mâles seront bientôt vendus », développe Aurélie.

En haut, Jérôme sort l’un des deux taureaux de la ferme. En bas, les jeunes veaux attendent de pouvoir aller téter leurs mères © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Les génisses, les jeunes vaches de 8 mois à 1 an et demi, ont aussi leur propre stabulation. « On attend que les vaches aient 2 ans et demi pour les amener aux taureaux, commente-t-elle. On fait de la monte naturelle. » L’éleveuse poursuit : « Les vaches sont vraiment braves. Mais on sait pourquoi on les élève pendant dix années quand on les emmène à l’abattoir… Après, c’est aussi parce qu’on s’en occupe bien, que ça donne aussi de la très bonne viande. Pour nous, même si on s’agrandit un peu en passant à 80 mères, c’est important de garder ce goût du travail bien fait avec les animaux et cette qualité de viande. » L’Atelier des 2 fermes est en effet sur un projet d’agrandissement à L’Isle-en-Dodon, avec la construction deux bâtiments (stabulation et stock) qui devraient être prêts pour l’hiver 2026. 

Dans les autres bâtiments du corps de ferme, les brebis bêlent fort. « Elles ont faim. Le matin, on nourrit toujours en premier toutes les bêtes », annonce Aurélie, en prenant sa fourche pour leur ramener des monticules de foin. Immédiatement, les bêlements cessent : brebis, béliers, agneaux et agnelles font ripaille. Non loin de là, quelques porcs noirs, en plus de ceux de Charlas, et une truie avec quelques porcelets roses logent ici aussi.

Côté matériel, les agriculteurs disposent sur la ferme d’un tracteur télescopique pour descendre les bottes des hangars, d’un tracteur-fourche pour déplacer les bottes dans les champs, d’un tracteur-fenaison pour la récolte des foins, ainsi que des remorques. « Pour le plateau, l’enrubanneuse et l’épandeur à fumier, on mutualise ces agroéquipements avec un groupement d’agriculteurs de la Cuma. Ça permet d’avoir ces gros matériels, très utiles mais que ponctuellement, en les achetant à plusieurs », précise l’agricultrice. De la même manière, le couple a fait appel à l’association Service de Remplacement pour avoir un salarié en renfort à la naissance de leur fils de 8 mois ; Aurélie ayant également deux autres grands enfants.

Jérôme jette un œil au tracteur-fourche © Récit en Série – Isabelle Desprez.

Un atelier de découpe et de vente directe dans le centre-bourg

11 heures. Aurélie, quitte la ferme, pour se rendre avec son camion-frigo à l’atelier de découpe. Juste le temps de le faire redémarrer avec les pinces. « C’est toujours comme ça, avec tous les matériels agricoles, on a toujours une panne à un moment donné. Mais les choses qui doivent se faire, vont se faire », avouent les deux agriculteurs avec une certaine philosophie, mais ne comptant pas leurs heures. D’ailleurs, le couple ne s’octroie que quatre jours « vacances » au Sommet de l’élevage, le 1er salon mondial de l’élevage durable de Clermont-Ferrand. « On y apprend beaucoup sur le métier », note Jérôme. « Si on ne veut pas mourir, il ne faut surtout pas s’enfermer, mais s’ouvrir ! C’est pour cela aussi que ma ferme de Charlas fait partie du réseau Bienvenue à la ferme et qu’on a l’atelier de découpe. Je crois beaucoup à la vente directe et au circuit-court. Les gens voient ainsi comment on travaille et savent d’où viennent les produits. Et puis, c’est très valorisant d’entendre nos clients faire des retours très positifs sur la qualité et le goût de nos produits », apprécie Aurélie. 

Aurélie prépare un rôti de porc pour un client qui va passer le chercher en vente directe à l’atelier © Récit en Série – Isabelle Desprez.

À l’atelier du centre-bourg, à côté de la boulangerie bio La Huchette, Aurélie Gaye-Poussou, avec son CAP de cuisine en poche, s’occupe de la découpe d’une épaule de porc pour en faire un rôti pour un client. Ce matin, elle prépare aussi les 27 repas pour le Centre de Loisirs intercommunal de L’Isle-en-Dodon. Cette après-midi, elle s’occupera des pâtés, pâtés de tête, boudins, fritons, saucisses… Pour les carcasses de bœuf de 100kg, elle fait appel à un boucher à la retraite embauché à la journée. Ici, tout est mis sous vide, pour une meilleure conservation et traçabilité des produits. L’éleveuse-cuisinière complète : « Les menus du Centre de loisirs – tous les mercredis et les vacances scolaires – et les repas des fêtes de villages alentours, ça fait des revenus réguliers appréciables. » Sans oublier les marchés de Boulogne-sur-Gesse et d’Alan, la vente directe à la ferme ou à l’atelier et les colis envoyés aux habitués. 

Dans les échanges, Aurélie et Jérôme reconnaissent que c’est plus difficile qu’avant d’être agriculteurs, mais ils ne troqueraient pour rien au monde leur métier et leur cadre de travail. Jérôme, parce qu’il est tombé dedans quand il était petit ; Aurélie, parce qu’elle aime « travailler dehors et pour eux-mêmes ». À l’Atelier des 2 fermes, le couple de ces deux éleveurs à part entière est très complémentaire. La seule chose qui leur déplaît à tous les deux ? « S’occuper de la paperasse », reconnaissent-ils en cœur. Peut-être une autre idée d’activité à mutualiser avec d’autres agriculteurs…    

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