Ce mardi 15 juillet 2025, c’est jour de distribution de l'aide alimentaire pour les 26 familles accueillies à l’antenne des Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon, qui a ouvert en 2018. Entre l’épicerie et l'espace coin café, rencontre avec les bénévoles et les personnes accueillies.     

On dirait presqu’une vraie petite épicerie. Pâtes, riz, conserves, fruits, légumes, laits, œufs, pains, huiles, produits de toilette, surgelés, laitages… Tout est propre et parfaitement bien rangé sur les étagères ou au frais. Des fiches indicatives avec les points des menus par famille guident les bénévoles dans la distribution : F1 famille d’une personne, F2 famille de deux personnes… « Toutes les marchandises arrivent de Toulouse et sont déchargées par les bénévoles le lundi précédent la distribution, explique Sylviane Studler, l’une des trois co-responsables et la référente de l’antenne départementale des Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon. On a aussi du pain donné par la boulangerie Le Repère chaque jour de distribution, et de manière irrégulière des fruits et légumes remis par des producteurs locaux, plus en ce moment des œufs calibrés trop petits pour les circuits de distribution. À toutes les étapes, on surveille les produits de près : dates de péremption, températures dans les réfrigérateur et congélateur… Et on est aussi soumis à des contrôles réguliers pour la sécurité des personnes accueillies. »

Ouverte en 2018 et installée depuis peu dans ces locaux mis à disposition par la Mairie, l’antenne de L’Isle-en-Dodon compte pas moins de 14 bénévoles retraités, en majorité des femmes. D’ailleurs, la référente du centre L’Islois s’occupe aussi de rentrer dans le logiciel national les temps de présence des bénévoles pour le calcul des aides de l’Union Européenne aux Restos du Cœur. 

Une aide alimentaire rigoureuse et adaptée aux familles accueillies

Sur son ordinateur, l’autre Sylviane, également co-responsable de la collégiale de l’antenne des Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon, recompte les stocks des denrées alimentaires de ce mardi 15 juillet 2025. « 74 concombres donc !, note-t-elle. Comme on est une petite antenne, je rentre tous les produits à l’unité près dans un logiciel spécifique, qui recalcule la répartition des points des menus (protéines, accompagnements, produits laitiers et desserts). Tout est très rigoureux afin que les accueillis, selon le nombre de personnes par famille, repartent avec le bon nombre de menus d’aide alimentaire. » La période d’été, de mars à novembre, la distribution, s’effectue tous les quinze jours. La période d’hiver, toutes les semaines.

« On le sait, on pourrait avoir plus de familles ou de retraités. Mais on est dans un petit village et ils n’osent pas franchir la porte des Restos, ils ont peur du qu’en-dira-t-on… » Sylviane Studler

L’antenne des Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon accueille 26 familles, soit 46 personnes au total. « L’aide alimentaire est soumise à des seuils de revenus, explique la référente. Tous les six mois, parfois avant, on les reçoit et on remplit leurs revenus et leurs charges. C’est un troisième logiciel interne qui calcule s’ils ont droit à l’aide alimentaire. Parfois, ça fait mal quand on doit refuser une famille qui est tout juste au-dessus du seuil…»  Avant de compléter par une autre réalité rurale : « On le sait, on pourrait avoir plus de familles ou de retraités. Mais on est dans un petit village et ils n’osent pas franchir la porte des Restos, ils ont peur du qu’en-dira-t-on… »

9h15, une première personne accueillie rentre dans la petite épicerie. « Bonjour », lance en entrant Virginie, une mère de famille de deux enfants actuellement au RSA. « Bonjour Virginie. Dites-moi, vous préférez quel pâté parmi ces trois ? », interroge Maryse qui s’occupe de l’épicerie. « Cette aide alimentaire des Restos, ça change vraiment tout pour les enfants et moi, surtout en fin de mois, apprécie-t-elle en remplissant son grand sac. Ici, tout le monde est à l’écoute. Tout est fait par l’équipe de bénévoles pour qu’on se sente bien. C’est très familial, très humain. »

« Il n’y a pas que les petits-enfants à garder… Moi, j’avais vraiment besoin de me sentir utile, d’aider les gens et d’avoir une vie sociale ! » Maryse, bénévole retraitée

Aux Restos du Cœur, les bénévoles vouvoient, mais appellent les personnes accueillies par leur prénom, avec leur accord bien sûr. « Il s’agit à la fois de faire la part des choses et de respecter une certaine confidentialité. Les bénévoles sont d’ailleurs soumis à une confidentialité totale et ils s’engagent à la respecter en signant une charte chaque année. » À l’épicerie, Maryse a mis les gants pour servir la baguette de pain. « Pour les pâtes : vous préférez macaronis ou autres ? », demande-t-elle. « Macaronis, c’est très bien », répond Sandrine, 47 ans, mère de trois enfants. En aparté, Maryse, bénévole depuis le début de sa retraite, apprécie particulièrement l’esprit d’équipe du centre : « Il n’y a pas que les petits-enfants à garder… Moi, j’avais vraiment besoin de me sentir utile, d’aider les gens et d’avoir une vie sociale ! »

Aux fruits et légumes, Mado s’applique à peser puis à mettre en sachets kraft les tomates, brugnons, haricots verts, concombres… et elle se préoccupe aussi des goûts des personnes. « Vous aimez les blettes », questionne-t-elle. « Oui, j’adore, lui répond Muriel, 62 ans, ancienne AESH auprès d’enfants en situation de handicap. Je viens depuis 8 mois, car j’ai perdu mon Allocation Adulte Handicapé (AAH) et que je ne touche pas encore ma retraite. Les Restos, ça me permet de me nourrir correctement en attendant… »

Avant la prochaine distribution, Mado, la bénévole de 75 ans, précise : « J’ai suivi une formation pour être responsable hygiène, et je suis très attentive au ménage des locaux, à la conservation des produits… Je suis seule chez moi, alors, ça me plaît beaucoup de venir aux Restos, de voir du monde, surtout que l’ambiance est bonne. »  

Une coiffeuse, des places de ciné, des entrées à la piscine…

La distribution des repas se poursuit dans le calme et dans le respect. Les échanges sont souriants, polis et courtois. « Attendez, je vais vous aider à porter les sacs », propose spontanément Sylviane. Au rayon frais et surgelés, Michel, 67 ans, est l’un des 3 hommes sur les 14 bénévoles du centre L’Islois. « Une fois à la retraite, raconte-t-il, il fallait absolument que je m’implique dans une association. Je tenais à faire encore partie de la société, quoi. J’ai cherché et c’est aux Restos du Cœur que j’ai trouvé ma place ! De par mon ancien métier de dentiste dans un Centre de Santé, j’avais déjà l’habitude d’échanger avec des personnes bénéficiaires de la CMU. Pour moi, devenir bénévole ici, ça a été comme une continuité… »

En plus de l’aide alimentaire, l’antenne des Restos peut également offrir aux familles, grâce à ces différents partenaires, des places au Cinéma L’Islois de Culture et Cinéma, des entrées à la piscine municipale, des abonnements annuels à la Médiathèque, et parfois en fonction des besoins, des vêtements, des jouets, des linges de maison commandés à Toulouse par Régine, la 3e co-responsable de l’antenne départementale de L’Isle-en-Dodon. « Même si pour les vêtements, on recommande et incite les personnes accueillies à se rendre à la Donnerie de L’Isle-en-Dodon », note Sylviane. Et les lundis, sur rendez-vous, Doriane peut les recevoir pour une coupe de cheveux. « Ça leur redonne confiance en eux, affirme la référente. Certains ne sont pas aller chez un coiffeur depuis très longtemps… » 

« Au début, j’ai pleuré, j’avais honte de me retrouver dans cette situation et de venir à l’aide alimentaire des Restos du Cœur. Mais je dis souvent qu’on ne doit pas juger sans connaître la vie des gens ! » Dany, accueillie

Dans l’espace coin café, les accueillis attendent leur tour patiemment tout en discutant. Assis autour des petites tables, ça parle du feu d’artifice du 14 juillet 2025. Dany, 78 ans, qui a été cheffe d’entreprise avec son mari jusqu’à tout perdre après son divorce, se raconte : « Au début, j’ai pleuré, j’avais honte de me retrouver dans cette situation et de venir à l’aide alimentaire des Restos du Cœur. Mais je dis souvent qu’on ne doit pas juger sans connaître la vie des gens ! Aujourd’hui, je me satisfais de ce que j’ai et pour les cadeaux de mes petites-filles, j’ai ma machine à coudre. »

Dans le centre, la dignité, le respect mutuel entre accueillis et bénévoles se ressent pleinement. Emportant ses sacs d’aide alimentaire pour les quinze prochains jours, Émilie, 45 ans, est une artiste avec des ressources qui fluctuent d’un mois sur l’autre. « C’est l’assistante sociale qui m’a dit que j’y avais droit. Grâce aux Restos du Cœur, on se sent soutenue dans les moments difficiles et je ne les remercierais jamais assez pour tout ce qu’ils font. » Devant la porte d’entrée, Jacques, 58 ans, qui a travaillé dès l’âge de 16 ans notamment comme maître-chien, peine à compléter ses dernières années de retraite. « Je suis presqu’au bout de mes trimestres… Mais c’est dur, les problèmes s’accumulent : ma voiture vient de me lâcher et mon chien a été blessé. Moi, je suis gêné de venir ici… Je me verrais plutôt de l’autre côté, du côté des bénévoles. »

Aux Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon, bénévoles et accueillis le savent, la vie peut très vite basculer d’un côté ou de l’autre. Aux Restos du Cœur de L’Isle-en-Dodon, au-delà d’une aide alimentaire plus que nécessaire, bénévoles et accueillis recherchent aussi un lieu accueillant sans jugement qui leur redonne une place dans la société.