SÉRIE 1 – Première Brique

Ilya : la douche à 5 litres d’eau ! 

Avec leur projet de douche cyclique écologique, Simon Buoro et Antoine Escande, les deux cofondateurs de Ilya, font partie de la promo 2020 de l’incubateur d’innovation sociale Première Brique. Depuis les deux ingénieux ingénieurs ont déposé des brevets et reçus de nombreux prix d’innovation. Retour sur leur impressionnant parcours et le point sur leurs nouveaux défis.

Partenariat rémunéré par Première Brique

Simon Buoro et Antoine Escande, les deux cofondateurs de Ilya, qui font partie de la promo 2020 de l’incubateur d’innovation sociale Première Brique © Récit en Série - Patrice Nin.
Simon Buoro et Antoine Escande, les deux cofondateurs de Ilya, qui font partie de la promotion 2020 de l’incubateur d’innovation sociale Première Brique © Récit en Série – Patrice Nin.

Qu’on la prenne le soir ou le matin, qu’on l’arrête pour se savonner, qu’on y chante, qu’on y rêvasse ou qu’on s’y relaxe, que l’on répète dix fois à ses enfants d’y aller puis autant de fois d’en sortir, la douche est l’un des passages incontournables de nos rituels quotidiens. Et au delà de sa fonction première, se laver, la douche reste un moment privilégié qui permet aussi de se réveiller, de se détendre, de prendre soin de soi… Si la douche est plus écologique qu’un bain en quantité d’eau : une douche de 5 minutes équivaut à 80 litres et un bain à 150 litres environ. « La douche reste malgré tout le premier poste en consommation d’eau et le deuxième en consommation d’énergie de la maison, assure Simon Buoro, l’un des ingénieurs cofondateur de Ilya, la douche cyclique écologique. C’est aussi un geste ancré dans nos habitudes – on ouvre le robinet et l’eau chaude coule –, pas si facile à changer… Mais si l’on veut réduire nos besoins en eau et notre impact environnemental, sans revenir pour autant au gant et à la bassine, il fallait inventer un concept qui économise l’eau tout en gardant ce temps de confort sous la douche intact. »

La douche écolo qui change tout, sauf vos habitudes !

Dans leur atelier au rez-de-chaussée de la pépinière d’entreprises du Centre Pierre Potier (portée par Toulouse Métropole Innovation Entreprise), un modèle de leur ingénieux système doublement breveté permet de mieux en comprendre le mécanisme. Tout est installé dans la colonne de la douche cyclique ou presque : la pompe, le filtre, le module UV pour la désinfection, le réchauffeur d’eau et la vanne d’évacuation, plus une bonde de récupération de l’eau recyclée placée sous le receveur. « Notre douche a deux modes de fonctionnement : le mode classique en circuit ouvert et un mode cyclique en circuit fermé avec toujours les mêmes 5 litres d’eau ! », détaille Antoine Escande, l’autre ingénieur cofondateur d’Ilya. 

Et c’est tout le génie de leur invention. Autrement dit, une fois ce mode écologique actionné, peu importe que vous preniez une douche de 5, 10, 15 minutes ou d’1 heure, vous ne consommez toujours que ces mêmes et uniques 5 litres d’eau recyclés à l’infini. D’où son nom de douche cyclique. À l’image du cycle de l’eau de notre planète bleue qui circule aussi en circuit fermé : l’eau sur Terre s’évapore, forme des nuages, tombe en pluie, s’infiltre dans les sols, alimente nos cours d’eau… et ainsi de suite à l’infini ! D’où aussi le symbole de l’infini sur leur logo. Autrement dit, non seulement vous faites des économies d’eau, ce qui est bon pour la planète et pour vos factures, mais vous pouvez garder une douche plaisir/bien-être sans culpabiliser. Les deux ingénieurs ont fait le calcul : cela représente une économie pouvant aller jusqu’à 70% d’eau et d’énergie. Une certaine idée de la sobriété heureuse en quelque sorte.

Concrètement, comment ça marche ? Eh bien, vous commencez votre douche comme d’habitude en mode circuit ouvert. Vous vous mouillez, coupez l’eau pour vous laver, puis rouvrez l’eau pour rincer saletés, savon et shampoing. La douche cyclique fonctionne comme n’importe quelle douche : l’eau est prélevée sur le réseau, utilisée et évacuée. Le plus écolo de Ilya ? Son pommeau de douche limite déjà le débit à 6 litres par minute. Une fois votre rinçage terminé, vous tournez le bouton pour passer en mode cyclique et utilisez l’autre pommeau dédié. Comme ça impossible de se tromper !

Pas d’inquiétude d’hygiène avec notre douche écologique et économique : il n’y a pas de stockage d’eau croupie entre deux douches et l’utilisateur suivant ne se lave pas non plus avec votre eau usagée. Simon Buoro

Une fois en mode circuit fermé, toute l’eau utilisée lorsque vous vous détendez sous la douche est récupérée, filtrée, désinfectée, réchauffée et maintenue en température. Et à la fin de votre douche cyclique, vos 5 litres d’eau recyclée sont évacués. Simon Buoro tient à préciser : « Pas d’inquiétude d’hygiène avec notre douche écologique et économique : il n’y a pas de stockage d’eau croupie entre deux douches et l’utilisateur suivant ne se lave pas non plus avec votre eau usagée. » Résultat, en passant à Ilya vous changer seulement votre système de douche, mais pas vos habitudes ! 

La nouvelle conception qui a permis de commander 10 premières douches cycliques Ilya © Ilya - cabinet de design Antracite.
La nouvelle conception qui a permis de commander les 10 premières douches cycliques © Ilya – cabinet de design Antracite.

Une idée et un incubateur d’innovation sociale

Installés au milieu de leur atelier de fabrication high-tech, Simon Buruo et Antoine Escande, les deux ingénieurs cofondateurs trentenaires, n’ont pas qu’un joli storytelling à raconter en interview et sur les plateaux télé, et ce même s’ils sont passés dans l’émission Qui veut être mon associé ? (QVEMA) et qu’ils ont été multi-primés au concours Lépine des inventeurs (voir encadré ci-dessous). Ils ont une vraie histoire à raconter. D’où le nom de leur invention et de leur entreprise Ilya, qu’il faut lire « Il y a… ». « C’est comme le début d’une histoire qui commencerait par : il y a un monde nouveau à bâtir et on doit se retrousser les manches…, explique Simon Buoro. À l’INSA Toulouse, notre école en ingénierie, on était déjà engagés dans des associations, de l’éducation populaire… Avec Antoine, il était important pour nous de mettre nos compétences techniques au service de la société et de l’environnement. » 

De nombreux prix d’innovation !

Assis à ses côtés, Antoine Escande confirme et poursuit : « En 2019, quand on a eu l’idée et après en avoir fait la preuve de concept, on ne se pensait pas, on ne s’assumait pas comme des entrepreneurs. Alors, en 2020, quand on a intégrés l’incubateur d’innovation sociale Première Brique, on était juste deux ingénieurs qui avaient bricoler un prototype dans ma salle de bain. Mais on avait toute une entreprise à créer… »

Au delà du double diplôme en business-management à la Toulouse School of Management (TSM) de Simon Buoro, l’incubateur Première Brique a permis aux deux cofondateurs de se structurer en profondeur et de prendre du recul sur leur projet. « À titre collectif, précisent-ils, c’était très riche car on pouvait échanger avec les autres porteurs de projets de la promo, sur nos questionnements, nos problématiques et affiner ensemble notre posture d’entrepreneur en innovation sociale. On a tous gardé un lien très fort d’ailleurs. Et à titre individuel, le parcours d’accompagnement nous a permis de sortir la tête de l’eau et de rester focus sur le pourquoi on faisait tout ça ! » 

Écoutez le podcast Ilya, le récit du projet

Deux entrepreneurs engagés face aux changements

C’est vrai qu’avec leur profil de jeunes ingénieurs startpeurs de la Tech, Simon et Antoine auraient pu se projeter dans une start-up avec une courbe financière d’hyper croissance. « On peut porter cette double casquette, ce qui est utile parfois, précisent-ils, mais on en oublie pas pour autant nos valeurs ! » Avec son agrément ESUS, leur entreprise solidaire d’utilité sociale Ilya s’inscrit dans une démarche d’impact social et environnemental global, de la conception à la production. Aucun intérêt en effet de vendre une douche écologique si c’est pour lui faire faire le tour de la planète au moment de sa fabrication. « Tout est 100 % conçu et fabriqué en France, annoncent fièrement les entrepreneurs du changement engagés, avec l’idée de contribuer à la réindustrialisation des territoires et de préserver les emplois locaux de nos fournisseurs. » Même démarche socialement responsable avec leur capteur connecté ILO de consommation d’eau, puisqu’il est – en plus – assemblé par des travailleurs en insertion dans un ESAT de Colomiers (Établissement et service d’accompagnement par le travail). 

Sécheresses, canicules, stress hydrique… Voilà pourquoi il est urgent et important d’adopter, pour des questions de partage des ressources naturelles aussi, des pratiques plus sobres. Simon Buruo

Les deux entrepreneurs sociaux ont pleinement conscience des grands enjeux écologiques et climatiques, des canicules aux sécheresses à répétition été comme hiver et des régions en grand stress hydrique où l’eau se fait de plus en plus rare toute l’année et où les restrictions se multiplient. « En 2024, un hôtel en Espagne a dû couper l’eau de toutes les douches de ses clients. Un exemple de plus du pourquoi il est urgent et important d’adopter, pour des questions de partage des ressources naturelles aussi, des pratiques plus sobres », raconte Simon Buoro, tout notant au passage qu’il serait plus que pertinent de financer des aides à l’installation de douches écologiques dans ces régions prioritaires eu égard à leurs forts besoins en économie d’eau. 

ILO, le compteur d’eau ludo-pédagogique

Alors pour sensibiliser le plus grand nombre à ses questions, les deux ingénieurs ont également eu l’idée en 2024 d’extraire leur capteur sans pile et sans batterie de leur douche écolo, pour le commercialiser seul. Le système ILO est facile à installer soi-même : il suffit de le raccorder entre votre mitigeur et votre flexible de douche et, l’eau servant de turbine, le capteur affiche votre consommation d’eau sous la douche. « Il n’y a pas de lumière verte ou rouge qui vous juge, vous et votre consommation d’eau, indique Antoine Escande. Le capteur sert juste d’outil pédagogique ludique pour que chacun tente, à son niveau, de faire baisser ses litres d’eau. Et ça marche, les gens se lancent des défis individuels ou familiaux pour réduire petit à petit leur chiffre ! » Surtout qu’avec ce compteur d’eau connecté, on peut suivre la consommation de chaque douche de la maison sur son téléphone. Déjà pas moins de 2 000 capteurs ILO à 99 € ont été vendus par les deux entrepreneurs sociaux !  

Le capteur ludo-pédagogique ILO sans pile et sans batterie  affiche votre consommation d’eau sous la douche © Ilya.
Le capteur ludo-pédagogique ILO, sans pile et sans batterie, est très facile à installer et affiche votre consommation d’eau sous la douche © Ilya.

Le temps « low » de la Tech 

Mais du côté de la douche cyclique, vendue à 3 000 € et rentabilisée par l’usager en 4 ou 5 ans, le passage à l’industrialisation s’avère plus lent : seulement 10 Ilya installées et 40 autres en précommande fabriquées dans leur atelier par les deux ingénieurs. Logique, pourrait-on dire quand on parle d’une low tech, cette technologie durable produisant des objets réparables pour de la sobriété énergétique et économique. Antoine Escande le reconnait lui-même : « C’est vrai que si on nous avait dit que ce serait si long, j’aurais trouvé ça fou de se lancer. » Et Simon Buruo de relativiser la longueur de leurs délais : « Lorsqu’il s’agit de financer de la R&D (recherche et développement, ndlr) et toute l’industrialisation d’une nouvelle production, il faut bien compter 5 à 7 ans. On est donc dans les temps ! »

Parmi les freins identifiés à leur développement par les deux co-patrons salariés : de leur côté, une certaine frilosité éthique vis-à-vis des investisseurs – au vu des exigences, ils ont finalement décliné l’offre de l’associé de QVEMA – et un besoin de maîtriser une production de qualité ; et du côté des clients, des délais de livraison assez longs (6 mois après la précommande) et une douche installable que dans le cadre d’une nouvelle construction ou d’une rénovation de salle de bain. Car si elle peut être aisément posée par n’importe quel plombier professionnel, elle nécessite une alimentation électrique, une hauteur sous plafond de 2 mètres pour la colonne, et une place à prévoir pour la bonde cyclique sous le bac à douche. 

Alors, quels sont les prochains défis pour les deux jeunes associés ? Réussir leur industrialisation en signant des partenariats stratégiques pour financer et lancer la fabrication de leur douche cyclique à plus grande échelle. « Pour cela, on compte sur la force de notre écosystème local qui nous a toujours soutenu, assurent les Toulousains. Et, en parallèle, on lance un appel du pied aux constructeurs de logements neufs éco-responsables, aux bailleurs sociaux qui veulent faire baisser les factures d’eau et d’énergie de leurs locataires, aux hôtels qui doivent rénover leurs chambres… Par ailleurs, on a pas mal de demandes pour équiper des camping-cars, des tiny houses et des bateaux avec une version embarquée de notre douche cyclique écologique. »

À les écouter et à voir leur détermination, il est clair que pour Simon et Antoine, l’histoire de Ilya n’est pas prête de s’arrêter là…  

Plus d’infos sur ilya-tech.fr

Écoutez le récit audio de l’article Ilya, la douche à 5 litres d’eau !

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